Francois Bégaudeau – L’histoire naturelle selon John Ford


Francois Bégaudeau / samedi 8 juillet 2006

 
Ford, dans l’imaginaire (hélas trop peu) collectif, c’est d’abord Monument Valley, désert de l’Ouest américain hérissé d’énormes et inamovibles blocs rocheux. Larges, les plans qui l’encadrent se res- semblent à peu près tous, variations sur un même lieu, et offrent aux films de très récurrentes trouées spatiales. Rien cependant qui puisse être assimilé à un contrepoint naturel aux dérisoires histoires humaines ; rien qui autorise à penser que le désert porte sur les chaotiques contingences le regard tendrement condescendant de l’intemporel. Le désert est lui-même partie prenante de l’histoire. Il en est même, davantage que le cadre, le support, et n’a d’autre fin hors cet usage. À preuve, la quantité négligeable, dans l’ensemble de l’oeuvre, de plans à proprement parler déserts, vierge d’hommes ou d’attributs humains. Presque toujours des corps animent l’ensemble, rayant l’espace de droite à gauche ou grossissant depuis la profondeur jusqu’au premier plan, cow-boys plus ou moins solitaires, pelotons de cavaleries en rangs par deux, chariots cahotants. (…)