Didier Lestrade – Act up : pour une communauté civique


Didier Lestrade / dimanche 11 février 2007

 

Cosmopolitiques : Lorsque vous avez créé Act Up-Paris, pourquoi avezvous décidé de rentrer dans la logique communautaire américaine ?

 

Didier Lestrade : Parce que les fondateurs d’Act Up et les premiers militants ont toujours pensé que les homosexuels faisaient partie d’une communauté, j’explique ce raisonnement dans un livre à paraître en début 2004. Si on regarde l’histoire de l’homosexualité et surtout celle qui a commencé dès 1969, avec une pensée plus militante et politique, l’exemple anglosaxon a positionné les homosexuels et les lesbiennes au centre d’une communauté. Pour moi, tous les concepts novateurs de l’homosexualité viennent de la culture anglo-saxonne, c’est d’ailleurs pourquoi ils ont gardé leurs noms originaux : coming out, outing, etc. Ce qui définit et unit une communauté, c’est l’appartenance à un groupe minoritaire dans la société qui est le sujet d’une discrimination et d’un manque de visibilité. Les analogies entre la communauté gay et les communautés raciales ou religieuses sont nombreuses. Act Up, créé en 1989, mettait les homosexuels de facto dans une position de réaction et d’action face au reste de la société. Le sida est l’élément qui a déclenché ce phénomène en France mais il avait déjà été initié dès l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, même si à l’époque les médias gay comme le Gai Pied n’abordaient jamais le mot « communauté ». On parlait de « groupe ». Mais, à la base, l’idée de fierté est quelque chose qui unit tous les groupes qui se sentent mal traités par la société dominante. Car s’affirmer tel que l’on est demande du courage, qu’on le veuille ou non. La fierté est un sentiment qu’on développe quand on est face au racisme. Act Up a repris cette idée dès le départ. Si les Noirs ont inventé « black is beautiful » pour répondre au racisme de la société, les homosexuels ont développé une Gay Pride qui retournait l’homophobie de la société en sentiment de fierté. Plus tard, les séropositifs ont fait de même avec Act Up. Pour répondre à la peur du sida et de la maladie, nous avons développé une fierté dans le fait de répondre d’une manière commune à un problème, avec la prévention, pour changer la sexualité et limiter les contaminations. Et avec l’activisme, pour engager des homosexuels très individualistes vers un engagement communautaire (…).