Nacira Guénif-Souilamas – Ni pute, ni soumise ou très pute, très voilée ?


Nacira Guénif-Souilamas / dimanche 11 février 2007

 

Lorsqu’un certain féminisme s’allie avec le républicanisme, deux nouveaux êtres en miroir émergent : la « beurette » , à la fois héroïne de l’ intégration et victime du communautarisme (viol et voile), et le « garçon arabe ». Leur expérience sociale et sexuée concerne pourtant toute la société française contemporaine.

 


 

Les inévitables contradictions d’un féminisme sous influence Lorsqu’un certain féminisme s’allie avec le républicanisme, deux nouveaux êtres en miroir émergent  : la « beurette », à la fois héroïne de l’intégration et victime du communautarisme (viol et voile), et le « garçon arabe » . Leur expérience sociale et sexuée concerne pourtant toute la société française contemporaine. oici un peu plus d’un an, émergeait de la torpeur hivernale et politique un manifeste, fruit de mobilisations locales et d’assises tenues en Sorbonne par et pour des femmes des quartiers, qui devait faire parler de lui grâce au titre provocateur, « Ni putes, ni soumises », et à la tonalité dénonciatrice que lui donnera sa rédactrice, Fadela Amara. Fort de ce mot d’ordre décoiffant, et en déconnexion progressive avec le bien fondé des questions et revendications posées par ses initiatrices, le manifeste et le collectif qui le promeuvent, seront portés par une vague croissante de sympathie et un engouement qui ne se démentiront pas. Naviguant au gré d’événements tragiques exploités par des médias peu soucieux de discernement et une stratégie tout aussi médiatique, intelligemment menée par la Fédération de la Maison des Potes, bras séculier de SOS Racisme, lui-même « main gauche » du Parti Socialiste, ce qui est désormais nommé « marche des femmes des quartiers contre le ghetto et pour l’égalité » occupe tout l’espace des revendications féministes et fédère dans un consensus mou toutes les tendances qui s’y retrouvent. Naguère encore dévolu a des associations nées de 68 et des lois destinées à bouleverser l’ordre patriarcal, cet espace s’en trouve ainsi recomposé au profit d’un groupe jusqu’alors réduit au silence, les femmes des quartiers, déplaçant le centre de gravité des revendications féministes vers « le bas ». À distance de l’acmé (point culminant) qu’a constitué la manifestation du 8 mars 2003 achevant une marche des femmes des quartiers qui avait sillonné plusieurs villes de France, un regard exploratoire semble permis et possible. Il croisera deux lignes de lecture : la myopie de l’analyse, l’opportunisme politique (…).