Evelyne Jimenez – Préférer l’aller-retour au retour tout court


Evelyne Jimenez / samedi 3 janvier 2009

 

La richesse d’un parcours d’immigré se retrouve dans la pluralité de ses attachements avec son pays d’origine et son pays d’accueil. Mais la critique née de la comparaison incite davantage à prôner l’échange comme issue plutôt qu’un retour qui ne pourra jamais se faire « à la case départ ».

 


 

Cosmopolitiques : Vous êtes né au Mali, et aujourd’hui vous êtes médecin en banlieue parisienne, et convaincu de l’intérêt d’une démarche participative en santé publique, dans le cadre des projets « atelier santé-ville ».

 

Bakary Diakité : Oui, je suis d’origine malienne et vous devez vous demander pourquoi je suis ici en banlieue parisienne, alors que je serais plus utile dans mon pays d’origine, et que mon objectif a d’ailleurs toujours été d’y retourner. Ma thèse sur la sécurité hospitalière était destinée à favoriser mon retour mais cela n’a pas été possible pour des raisons de financement du projet alors que c’était une façon pour moi de me réintégrer en douceur dans mon pays d’origine. J’ai donc toujours mes bagages dans l’avion, et je n’ai pas réussi à poser ma valise. Je voulais aller travailler dans un hôpital, mais le salaire proposé était dérisoire par rapport à celui offert à des occidentaux. Quant à retourner dans le cadre d’associations humanitaires, c’était exclu. Les associations humanitaire s disposent souvent de gros moyens même si l’on peut souvent s’interroger sur l’adéquation ou l’efficacité pour certaines d’entre elles. Mais surtout ce qui ne me convient pas, c’est le rapport nouveau, généré automatiquement par le statut d’immigré en Europe, que j’ai avec ma famille là-bas. Il nous est demandé, de par ce statut d’aider toute la famille. Pour eux, depuis que je suis allé à l’école je suis devenu un « toubab » c’est-à-dire un blanc, un occidental. Vous voyez, quand j’ai quitté le Mali, je n’avais rien, j’étais vraiment très pauvre. Mais ma famille m’aimait. Aujourd’hui, lorsque je reviens au Mali, j’ai l’impression de n’être plus aimé. L’argent est venu s’interposer. On ne vient plus que pour m’en demander. Ce sont eux qui se sont occidentalisés en fin de compte. Moi, j’ai beau exercer la médecine occidentale en France depuis plus de dix ans, je ne serai jamais blanc ! D’ailleurs, il y a un proverbe, chez nous, qui dit : « Le morceau de bois a beau durer dans l’eau, il ne deviendra jamais un caïman ».

 

Cosmopolitiques : Vous qui exercez la médecine occidentale, que pensez- vous des ethnomédecines ?

 

Bakary Diakité : Je ne m’étonne plus de rien ! Ma voisine, une charmante vieille dame de 82 ans, très française, m’a confié l’autre jour que son psoriasis avait régressé depuis qu’elle avait consulté par téléphone un sorcier quelconque… Le problème, dans une société très cartésienne, c’est de pouvoir prendre en compte l’individu dans sa globalité. Il y a des tas de maladies psychosomatiques. Et des tas de charlatans, des astrologues, des marabouts, très méprisés car ils ne sont titulaire s d’aucun diplôme, mais qui servent de tampon lorsqu’on perd tout espoir et qu’il faut continuer d’y croire.

 

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