Dorothée Benoît Browaeys – Alertes, expertises, et jeux de pouvoirs : quelle place pour le citoyen pour hiérarchiser les priorités sanitaires ?


Dorothée Benoît Browaeys / dimanche 18 janvier 2009

 

13 février 2006 : un canard sauvage atteint par le virus de la grippe aviaire est trouvé mort dans l’Ain. L’annonce fait peur tant l’épidémie animale se rapproche avec sa menace pour l’homme… Après la Turquie, la Grèce, l’Italie, la France connaît ses premiers oiseaux contaminés… Dix jours plus tard, c’est un élevage voisin de dindes qui s’avère touché. Les pouvoirs publics sont sur les dents… Que faut-il faire ? Quels sont les risques ? Ils se tournent vers les experts scientifiques pour savoir quelles mesures prendre. Ces derniers affirment que l’on peut continuer à manger de la volaille et des œufs sans risquer d’être contaminé. Ils préconisent le confinement de tous les oiseaux d’élevage et leur vaccination. Ils mettent en garde vis-à-vis du risque majeur : respirer des particules de fientes ou de plumes issues d’oiseaux atteints. Dans une telle crise, les experts sont en première ligne. Les pouvoirs publics s’appuient sur leurs diagnostics, leurs connaissances, pour déterminer les protections et précautions adéquates. À chaque menace sanitaire, le même scénario se reproduit. On se souvient du rôle de Dominique Dormont, grand spécialiste des maladies à prions au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) – et aujourd’hui décédé – quand il s’est agi de dire si l’on pouvait encore manger des steaks, en pleine crise de la vache folle, ou de préciser quels étaient les organes les plus contaminants (cervelle, moelle, intestins…) pour les supprimer des étals.

 

Dans notre société du risque, toute la politique sanitaire repose sur des expertises de plus en plus nombreuses et complexes. Toxicologues pour avertir des effets du mercure contenu dans les poissons ou les amalgames dentaires sur nos organismes, épidémiologistes pour estimer l’évolution de l’obésité ou des maladies sexuellement transmissibles, microbiologistes pour expliquer les explosions des bactéries « légionelles » dans les tours aéro-réfrigérantes (TAR). Nous voulons savoir s’il faut-il se méfier des vaccins contre l’hépatite B, limiter l’usage des téléphones portables ou arrêter le traitement hormonal des femmes qui entrent en ménopause. Dans les années 1980, les scandales du sang contaminé puis de l’amiante ont révélé des défaillances graves dans l’information scienti- fique et une réelle confusion des rôles : les décisions étaient prises « entre décideurs », sans transparence, et sous influence des intérêts industriels. Avec les dégâts que l’on sait : les drames qu’ont connu les enfants contaminés par des hormones de croissance infectieuses (chargées en prion), ont mis en cause treize responsables – tous médecins et experts dans le domaine du médicament – qui pourraient être condamnés fin 2006, pour « homicide involontaire et tromperie », par le Tribunal correctionnel en charge du dossier.

 

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