Evelyne Jimenez – Entretien avec Charles Damn : Le Yang en Yin, une main de fer dans un gant de velours


Evelyne Jimenez / dimanche 18 janvier 2009

 

Cosmopolitiques :Vous faites partie du troisième âge heureux et en bonne santé. Quel est votre secret ?

 

Charles Damm :Lorsqu’en pleine force de l’âge, à cinquante-cinq ans, j’ai été mis en préretraite, c’est une nouvelle jeunesse qui a commencé pour moi. D’ailleurs je suis retourné sur les bancs de l’Université, suivre des cours de philosophie, de dessin, d’histoire de l’art. Je me suis inscrit à un club d’échec, mais j’ai vite laissé tomber parce que l’esprit de compétition qui y régnait ne me plaisait pas, c’était trop contraire au plaisir du jeu, tel que je le pratiquais dans ma jeunesse en Hongrie. Et puis j’ai découvert le taï chi chuan, après avoir pratiqué le judo, le karaté, et l’aïkido. Une malformation congénitale de la hanche m’avait toujours incité à faire du sport pour rééquilibrer musculairement mon handicap. Mais avec l’âge les sports trop violents ne me convenaient plus. Le taï chi chuan m’a attiré parce que c’est une discipline davantage axée sur la santé et la méditation dynamique que les arts martiaux, dont le côté martial l’emporte largement sur le mental. Dans la pensée chinoise, on prône de ne jamais vivre au-dessus de ses moyens physiques, car on n’obtient rien par la force et tout par la souplesse. Le taï chi chuan m’a tellement plu que, pour aller plus loin dans ma compréhension des textes qui en décrivent les principes, j’ai ressenti le besoin d’apprendre le chinois. En effet j’étais agacé de trouver des traductions différentes d’un même texte. J’ai eu envie de déchiffrer moi-même, pour découvrir le sens de ces idéogrammes si esthétiques. Et là j’ai pu pratiquer à la fois le dessin et la philosophie en découvrant une langue qui m’ouvrait des champs de réflexion extraordinaires. J’ai compris pourquoi il était si difficile de traduire la pensée chinoise, car chaque caractère n’est pas un mot, mais une image, et même plutôt une vision, qui permet une interprétation très différente en fonction du contexte et des associations d’idées liées au symbole. En Chine la calligraphie est un art très supérieur à la peinture, et ceux qui la pratiquent expriment non seulement une pensée, mais aussi une façon d’être.

 

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