Gérard Chouquer – Terres porteuses. Entre faim de terres et appétit d’espace


Gérard Chouquer / Décembre 2012

 

Remarquable synthèse sur un phénomène contemporain, qui prend sa source dans l’Antiquité : l’achat massif de terres sur le territoire de pays émergents. L’agriculture de firme est née, directement liée à la financiarisation de l’agriculture et la spéculation sur ses ressources. Il en résulte une déstructuration accrue des agricultures locales par portage de récoltes et par mitage du territoire par les concessions qui laissent seulement les interstices aux populations ,et cela d’autant plus aisément que les régimes de propriété foncière sont inexistants ou contournés.

 

 Les concessions massives de terres aux investisseurs dans les pays du Sud

Avec les concessions ou acquisitions massives de terres, la question foncière redevient centrale
et particulièrement lourde de conflits potentiels. Ce que j’appelle d’un mot aussi bref, le
foncier, ce n’est pas seulement la terre ou l’immeuble tel qu’on en parle dans le droit ou les
agences immobilières ; ce sont tous les rapports sociaux qui se nouent autour du foncier et
pour le foncier, dans leurs dimensions locales comme dans leur géopolitique mondiale. Or
quand le foncier contribue à la chute d’un gouvernement (Madagascar en 2009), ou quand il
crée des tensions majeures entre l’État et les régions d’un pays (Chine ; Argentine), ou encore
entre les États et leur population (Soudan, Éthiopie, Mali, Kenya, Zambie, etc.), il peut
devenir source d’instabilité mondiale. Cette présentation a pour but d’identifier les raisons
principales de cette tension dont les pays du Sud sont les victimes désignées à travers le
mouvement des concessions massives de terres. Actuellement, il semblerait qu’environ 220
millions d’hectares aient changé de mains ou soient en cours de négociation dans ce but
(statistique de la base Land Matrix). On a parlé, à propos de ce land grabbing (accaparement des
terres), d’une phase de néocolonialisme, mais c’est bien plus que cela. On est en présence d’un
phénomène nouveau, celui du portage, doublé d’une forme nouvelle d’exploitation
financiarisée qu’on commence à nommer agriculture de firme. Le portage, c’est le fait d’aller
faire porter par les terres d’un autre pays, les productions qu’on ne peut pas ou qu’on ne veut
pas faire chez soi. Il ne s’agit pas, comme au temps des colonies, d’exploiter une ressource
locale pour la commercialiser au profit des entreprises concessionnaires. Il s’agit de plus que
cela : considérer que l’espace géographique des pays en développement est lui-même devenu
une ressource disponible pour un montage agroindustriel et financier, et le mondialiser, c’està-
dire le retirer de la gestion locale et l’exterritorialiser.

Comment en est-on arrivé là ? Diverses raisons le disent clairement.

Le prétendu vide justifie le phénomène du portage
On a commencé par installer l’idée fausse que les mondes du Sud étaient largement vides.
Dans les années 2000, les grandes institutions, telle la FAO, ont demandé à des équipes de
recherches de les aider à évaluer les terres disponibles, pour anticiper la question de la
production alimentaire. Des études produites et publiées entre 2000 et 2010, on a retiré des
chiffres invraisemblables.
Dans une étude commandée par l’International Institute for Applied Systems Analysis et la FAO et
parue en 2002 (IIASA 2002), les auteurs estimaient que dans le monde, seul un tiers des terres
arables sont effectivement cultivées, soit 1,5 milliard d’hectares sur un total de 4,2. Il resterait
ainsi 2,7 milliards d’hectares de terres exploitables non cultivées, pour moitié situées dans les
pays en développement. Plus récemment Laurence Roudart (2010) a analysé les trois bases de
données statistiques ou satellitaires actuellement disponibles pour évaluer les terres
disponibles, celle de l’IIASA, celle de la FAO (FAOSTAT) et celle du Center for Sustainability And
the Global Environment (SAGE). Selon trois hypothèses, plus ou moins restrictives, l’extension de
la superficie cultivée mondiale pourrait être de 1 milliard d’ha au plus bas, 1,45 en hypothèse
moyenne et 2,35 milliards d’hectares dans l’hypothèse haute. Tenant compte de différents
facteurs de correction et se situant dans l’hypothèse basse, celle qui ne touche pas aux forêts,
par exemple, elle arrive à un total de 527 millions d’hectares disponibles. Une autre étude,
Agrimonde (2009), due à l’INRA et au CIRAD, explique que d’ici 2050 il sera possible de
gagner à la culture une superficie de 590 millions d’hectares, dont 224 pour les
agrocarburants, chiffre que Laurence Roudart estime « non seulement plausible mais même
modeste ».
Ces études sont assez largement une imposture. Leur méthodologie est contestable car, à
regarder de très haut et de très loin avec un pixel millimétrique qui couvre, dans certaines
études, une trentaine de km2, on ne peut pas voir les réalités. Il fallait répondre aux
institutions demanderesses, en disant que la réponse est impossible sans une observation de
détail. On ne l’a pas fait. On a donc appelé vide ce qui, souvent, était occupé, on a négligé de
vérifier qu’il y avait des villages, des champs et des hameaux. On a fait confiance à la seule
géomatique et on a procédé à une échelle inadaptée, l’échelle mondiale. On a fait tourner des
machines, mais on n’a pas regardé ce qu’on était censé observer. Il est vrai que faire de la
photo-interprétation à vue, c’est devenu trivial !
Dans ces conditions, comment pourrait-on se plaindre des 220 millions d’hectares qui sont
actuellement en négociation dans le monde, quand les évaluations parlent de un a deux
milliards d’hectares présumés vides ?
Aujourd’hui, alors que des cartes précises commencent à être produites, ce qu’on voit est
différent et très problématique. On voit d’abord que ce ne sont pas les réels espaces vides qui
intéressent les investisseurs, mais ceux qui sont déjà occupés et qui concernent les bonnes
terres. Ensuite, on voit que le phénomène de la concession et du portage conduit à dessiner
des espaces fragmentés et hétérogènes. L’espace géographique ne s’aplatit pas, contrairement
à la thèse libérale bien connue de Thomas Friedmann selon laquelle le monde serait devenu
plat, mais au contraire se hérisse de zones franches, de concessions dérogatoires du droit
commun des pays concernés, de corridors, de cités-portails, bref d’espaces surprotégés parce
qu’il faut tout faire pour favoriser l’investissement. Restent aux populations à vivre dans les
interstices de la firme, à faire avec un espace soumis à la logique de l’irrigation circulaire par
pivots.

La carte des concessions de terres au Cambodge, ou encore celle du paysage des pivots tel que
la firme suisse Addax le crée dans la Sierra Leone (voir ci-dessous), se passent de plus amples
commentaires. L’espace géographique est en cours de démembrement et les frontières se
multiplient.
Au Cambodge, la carte présentée est la synthèse de plusieurs inventaires et constitue à ce jour
l’atlas le plus complet sur le
phénomène des concessions de terres :
– l’inventaire du Ministère de l’Agriculture du Cambodge (98 concessions)
– l’inventaire du Land Matrix (84 contrats répertoriés)
– l’iventaire de la Ligue Cambodgienne des Droits de l’Homme (Licadho)
– l’inventaire de la base Open Development,
La compilation et la comparaison de ces différentes bases a permis de dresser un inventaire et
une carte de 243 concessions, dont 226 sont localisables. Cette liste des concessions aux
investisseurs agro-industriels cambodgiens et étrangers ne couvre pas les concessions minières,
les zones d’exploration du pétrole, et diverses autres concessions. Il faut donc les ajouter.
Cette carte, actuellement la plus à jour de toutes celles qui circulent, concerne à peu près 2
millions d’hectares sur les 18 millions que couvre le pays, soit 11,1 % de sa superficie.

La fin de la protection agricole

Une autre raison expliquant les concessions massives est que l’agriculture a cessé
définitivement d’être un secteur à part et entre complètement dans le marché. Longtemps, en
effet, l’agriculture a été une activité protégée : il suffit de penser, en Europe, à la “politique
agricole commune” pour mesurer le protectionnisme caractérisant ce secteur. Or l’alignement
de l’activité de production agricole sur les autres activités économiques place les terrains
fragiles dans une situation particulièrement difficile.
Cette entrée ne signifie pas que le commerce va se généraliser et que les pays pauvres vont
pouvoir retirer des échanges les revenus auxquels ils ont droit. Le portage, c’est justement le
contraire du commerce. La logique voudrait que les aides au développement soutiennent des
agricultures pour qu’elles entrent dans le marché dans de bonnes conditions. La réalité est
autre. On dit aux pays pauvres : laissez-nous disposer d’une partie de vos terres pour nos
productions et nos profits, et faites ce que vous pouvez ailleurs. Le résultat est quelquefois
d’une rare indécence. On organise le portage (c’est-à-dire, au final, l’exportation des
productions) dans des pays qui, dans le même temps, sont les premières victimes de la faim.
Dans ces conditions, le combat des formes d’agricultures est particulièrement inégal. Alors
qu’on sait que les agricultures familiales contribuent à nourrir les populations, on les fragilise
par la concurrence des formes agro-industrielles.
Mais, de concurrence en concurrence, on fabrique des situations difficiles. Par exemple, au
Mali, dans l’immense delta intérieur du Niger, depuis environ 80 ans existe une politique de
colonisation et de réforme agraire qui consiste à installer des colons pour la production
rizicole. Il y avait déjà compétition entre les sociétés traditionnelles et les petits colons
bénéficiaires de casiers. Mais l’arrivée récente de la firme, avec des projets de concession se
chiffrant en dizaines ou même en centaines de milliers d’hectares, rebat toutes les cartes.
Quand la société lybienne Malibya construit un canal de 120 m de large puisant son eau dans
le fleuve, qui en bénéficiera en période d’étiage : les sociétés traditionnelles devenues
résiduelles chez elles, les petits colons rizicoles ou bien la firme ? Le land grabbing prend souvent
la forme d’un water grabbing (accaparement de la ressource en eau).

La spéculation financière change la nature de la production

Changeons de point de vue, pour découvrir une autre raison du phénomène. Depuis la crise
financière de 2007 et 2008, les investisseurs cherchent à diversifier leurs placements afin de
réduire les risques. Alors que les rendements boursiers sont incertains, alors que l’or et
l’immobilier urbain n’offrent pas les hausses attendues ou espérées, les revenus tirés des
placements dans le foncier agricole sont en très forte hausse depuis vingt ans, avec une
accélération continue depuis 2005. De 1991 à 2011, on évoque une hausse de 748 %.
Cette évolution et cette progression de l’investissement changent la nature même de la
production. En effet, pour des raisons de rentabilité, les investisseurs explorent des méthodes
de gestion nouvelle qui leur permettraient de ne se saisir que des segments les plus rentables
de la chaîne de production et surtout de la chaîne de valeurs, et d’externaliser tout le reste.
Ainsi se met en place une agriculture de firme dont la particularité est d’associer la captation
différentielle de la terre, le modèle agro-industriel et une base strictement financière. Les
commentateurs spécialistes ne parlent plus désormais seulement de land grabbing (accaparement
de la terre), mais aussi de production grabbing (accaparement de la production).
Il faut s’intéresser aux expérimentations qui ont cours en Afrique du Sud et en Argentine où
des montages reposent sur ces bases nouvelles. Les uns sont axés sur des banques et des
compagnies d’assurance qui réalisent l’intégration sous leur chef, le propriétaire ou
l’exploitant devenant de simples prestataires de service et le contrat portant sur la production
et non sur la terre. Les autres sont organisés autour d’entreprises d’ingénierie agricole ou
encore de sociétés de gestion d’actifs qui procèdent par projets annuels, comme les pooles de
siembra en Argentine. D’autres, enfin, reposent sur les fonds d’investissement qui se sont
spécialisés en agriculture, qu’il s’agisse de banques commerciales, de fonds de pension ou
d’agences de développement. Tous ces acteurs ont un point commun : ils sont extérieurs au
monde agricole.

Les contradictions juridiques et politiques sont trop fortes

Pour des raisons diverses, liées aux héritages historiques, de très nombreux pays dans le
monde en développement ont une législation qui réserve la souveraineté de l’État sur la
totalité ou une grande partie de la terre, ce qui fait que personne n’y est propriétaire comme
on l’est en France, mais que tout le monde est formellement en situation de tenure. On
reconnaît là des situations d’Ancien Régime en Europe et aussi des situations coloniales dans
le reste du monde aux XIXe et XXe s., ainsi que des situations d’appropriation collectiviste
dans les pays qui ont connu un régime communiste sans propriété privée. Or, assez souvent,
avec les Indépendances, plusieurs pays ont conservé cette notion de domanialité globale sur le
sol pour des raisons identitaires et nationalistes, mais en l’enrichissant progressivement d’une
reconnaissance des droits coutumiers, comme on peut le lire dans leurs législations (ex. Mali,
Togo, Côte d’Ivoire, Mozambique).
Malheureusement, cette situation s’inverse et ces lois sur la domanialité globale de l’État
offrent aujourd’hui le cadre qui autorise les chefs d’État et les gouvernements à concéder de
leur propre chef des terres aux investisseurs, alors qu’ils les savent occupées. Même quand le
pays ne dispose pas d’une telle forme de domanialité, des chefs d’État se comportent comme si
c’était le cas : c’est ce qu’on a vu faire à Madagascar.
Cette situation fait que la question du titre foncier est devenue une aporie dont on ne voit pas
facilement comment on pourra sortir. Chacun sait que, du temps des colonies, la politique de
distribution de titres fonciers par les autorités coloniales a été très parcimonieuse et source
d’inégalités et de corruption. Aujourd’hui encore, dans de nombreux pays d’Afrique
subsaharienne, la part des terres titrées est dérisoire, sans doute entre 2 et 5%, moins de 10%
en tous cas. En outre, entre la carte de ces droits et l’occupation réelle, les décalages sont
devenus béants. Comment sécuriser les populations non titrées ? La Banque Mondiale et les
grandes Agences (notamment le MCC américain), appuyés
par les théories des économistes,
répondent par des politiques de titrement massif, les titres étant censés donner de la sécurité et
permettre le crédit bancaire. Mais les milieux intellectuels et militants, se fondant sur les
travaux des disciplines sociales, préfèrent travailler à un concept de sécurisation foncière, lié à
la décentralisation, avec une formalisation souple et peu coûteuse, adaptée aux situations
locales, mais sans “titre” et sans “cadastre”.
Cependant, que ce soit le titre ou les certificats moins formalisés, aucun des deux ne protège
s’il y a volonté d’investir et décision d’expulsion. N’a-t-on pas vu l’exemplaire entreprise suisse
Addax Bioenergy, soucieuse de transparence et de régularité, entreprendre soigneusement une
politique d’inventaire et de délivrance de titres pour pouvoir ensuite exproprier et indemniser
les populations habitant les terres que l’État de la Sierra Leone lui avait concédées ?
La forme planimétrique des structures agraires prévues par Addax en Sierra Leone :
un espace agro-industriel obsédant (les pivots d’irrigation) ; des interstices pour les populations locales.
D’autre part, n’a-t-on pas vu l’ancien président de Madagascar s’engager dans des concessions
de terres gigantesques alors que, peu auparavant, son gouvernement avait mis en oeuvre un
“Programme National Foncier” destiné à sécuriser les drois des populations (avec création de
guichets fonciers décentralisés), et que, quelques années avant, il avait annoncé lors de la
Conférence de Durban qu’il sanctuariserait pas moins de six millions de terres au titre de la
biodiversité ? Il n’avait pas vu que ces politiques contradictoires portaient en partie sur les
mêmes terres.

La faiblesse des réponses

Ces dernières remarques introduisent un autre point de cette brève présentation. Les réponses
qu’on peut apporter au développement des concessions massives de terres s’avèrent
actuellement très faibles.
Les États, les institutions internationales publiques ou privées, les ONG ont élaboré divers
codes de bonne conduite ou directives volontaires. La FAO, par exemple, a mis plusieurs
années à élaborer les siennes, en raison de la lourdeur inévitable des négociations entre ses
pays membres. Bien entendu, cette accumulation de “directives” signifie quelque chose :
l’augmentation des pressions pour une bonne pratique. Mais ces textes ne sont pas
contraignants et les directives (on appréciera au passage l’inadaptation du terme français
traduisant l’anglais guidelines !) ne “dirigent” pas parce qu’elles ne s’imposent pas aux pays.
Ce qui fait défaut c’est une juridiction foncière internationale qui pourrait recevoir les plaintes
de populations déplacées et quelquefois spoliées, là où cela se produit. Or, aujourd’hui, on ne
dispose guère que du seul Centre International pour le règlement des différends relatifs aux investissements
(CIRDI, ou en anglais ICSID : International Center for Settlement of Investment Disputes), siégeant à
Washington et qui ne reçoit de plainte que de la part des parties concernées par un contrat et
avec un dépôt initial de 25 000 dollars. Deux raisons pour que des populations déplacées ne
soient pas jugées recevables. On en arrive donc à des actions biaisées, comme la plainte des
populations de la région du Logone au Tchad méridional contre la Banque Mondiale en
donne l’exemple. Dans le cas de cette concession pétrolière, il est avéré que la région qui subit
l’impact foncier ne retire pas les compensations attendues. Mais alors que la Banque
Mondiale s’est retirée du projet car le gouvernement tchadien ne respectait pas le cahier des
charges, les populations l’attaquent néanmoins en justice, plusieurs années après, pour
promesses non tenues !

Les conflits fonciers reviennent sur le devant de la scène

Si l’on résume ce qui vient d’être brièvement décrit, on comprend que la faiblesse des
réponses juridiques et institutionnelles fait que ce n’est guère que dans le rapport de forces que
certaines situations peuvent évoluer. Aujourd’hui, les conflits sur les questions foncières sont
en augmentation : compétition pour la terre ; accès et gestion des ressources, notamment l’eau
et les forêts ; formes brutales de réquisitions massives de terres (ex. en Chine) ; effet de mitage
de certains pays par les concessions massives ; etc. Au Cambodge, la Ligue des Droits de
l’Homme tient un registre des innombrables conflits fonciers existant dans le pays. Or leur
localisation est, pour l’instant, assez différente de celle des toutes récentes concessions
massives. On peut donc s’attendre à une multiplication du nombre des protestations, vu
l’ampleur des surfaces concédées et la densité de l’occupation du sol.
Les tensions portent également sur les oppositions existant quelquefois entre des politiques
nationales ou fédérales et des choix régionaux et locaux. Certains pays sont traversés par ces
tensions, comme la Chine, mais aussi l’Argentine.
Concluons sur une idée simple mais forte. Il est invraisemblable qu’on puisse faire porter des
résoltes, pour les exporter ensuite, aux terres d’un pays que par ailleurs on aide au titre du
“Programme alimentaire Mondial”, comme c’est le cas pour l’Éthiopie ou le Soudan. C’est ce
que disait déjà il y a deux ans David Hillam, directeur adjoint de la FAO, à la conférence de
Washington :
« Imaginez des camions vides conduits, par exemple, en Éthiopie, pendant une période de disette alimentaire
causée par la guerre ou la sécheresse et repartant pleins de grains pour nourrir des gens outre-mer… Pouvezvous
imaginer les conséquences politiques ? C’est pourquoi il faut mettre en place des structures juridiques
correctes pour protéger les droits au sol et pourquoi nous devons trouver une forme quelconque de code
international de conduite. »
Les concessions massives de terres, si elles se poursuivent au rythme et aux conditions
actuelles, ont tout pour devenir le chapitre géographique de cette nouvelle raison libérale que
Pierre Dardot et Christian Laval ont brillamment décrite. Liées au phénomène de la
financiarisation de l’agriculutre mondiale, les concessions massives témoignent de la
transformation en cours du capitalisme.

Gérard Chouquer
CNRS et France International Expertise Foncière

Bibliographie indicative

Gérard CHOUQUER, Le nouveau commerce triangulaire mondial, ou les analogies du foncier
contemporain, dans Etudes rurales n° 187, janvier-juin 2011, p. 95-130.
Gérard CHOUQUER, Délocalisation et dys-localisation dans le foncier contemporain, dans
Transcontinentales, « La ruée vers la terre », n° 10/11, 2011. Disponible sur :
http://transcontinentales.revues.org/1071
Gérard CHOUQUER, L’Afrique est-elle disponible ? Ce qu’on voit quand on regarde, dans Grain de
Sel, n° 57, janvier-mars 2012. ;
Gérard CHOUQUER, Les acquisitions massives de terres dans le monde : bulle foncière ou opportunité de
développement ?, entretiens avec Charlotte Castan, éditions Publi-Topex, avril 2012.
Gérard CHOUQUER, Terres porteuses. Entre faim de terres et appétit d’espace, ed. Actes-Sud/errance, Paris
septembre 2012, 248 p.
Pierre DARDOT et Christian LAVAL, La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, ed. La
Découverte, Paris 2009, 504 p.
IIASA 2002 : Global Agro-Ecological Zones, http://www.iiasa.ac.at/Research/LUC/GAEZ/index.htm
Étienne LE ROY, La terre de l’autre. Une anthropologie des régimes d’appropriation foncière, ed. LGDJ, coll. droit
et société, Paris 2011, 448 p.
Hubert OUÉDRAOGO, De la connaissance à la reconnaissance des droits fonciers africains
endogènes, dans Etudes rurales n° 187, janvier-juin
2011, p. 79-94.
François PURSEIGLE, (dir), Les gricultures de firme 1. Organisations et financiarisation, dans Études
rurales n° 190, décembre 2012.
Laurence ROUDART, Terres cultivables non cultivées : des disponibilités suffisantes pour la sécurité alimentaire
durable de l’humanité, Analyse du Centre d’Etudes et de Prospective du Ministère de l’Alimentation,
de l’Agriculture et de la Pèche, n° 18, mai 2010.
Sur l’Observatoire des formes du foncier dans le monde, consulter le site de FIEF :
http://www.formesdufoncier.org/